Fedor Holz a remporté 10,5 millions de dollars en jouant au poker ces six derniers mois, mais ce qui compte le plus pour lui, c’est la reconnaissance qui va avec.
Avec trois victoires en high roller (dont deux au casino Aria) et une deuxième place à l’Aria SHRB à 300 000 $ derrière son compatriote Raine Kempe, Holz a empoché plus de 4,9 millions de dollars en moins d’un mois.
Plus connu en ligne sous le pseudo de « CrownUpGuy », Holz a réussi à grimper au sommet du classement des plus grands gagnants allemands et du GPI Index mondial.
Dans cette interview qu'ils nous a accordée aux WSOP, Holz évoque ses incroyables performances depuis six mois, ses paris sur des bracelets avec Jason Mercier, et comment le poker est un tremplin pour aller encore plus haut.
Tu es sur une sacrée série depuis six ou sept mois...
Depuis trois ans plutôt. (rires)
C’est vrai. Mais depuis décembre 2015, c’est vraiment fou. Comment est-ce que tu vis ça ?
C’est vraiment difficile à expliquer. C’est comme des montagnes russes.
L’année dernière, après Vegas, les choses n’allaient pas très bien. Mais les gens ne voient pas ça de l’extérieur. Et puis depuis décembre dernier, on dirait que tout ce que je fais se passe très bien.
J’ai beaucoup gagné en confiance et je me sens extrêmement bien là.
Peux-tu nous en dire un peu plus sur les défis auxquels tu as fait face l’année dernière ?
Je pense que lorsqu’on rencontre un certain succès dans le poker, on évolue naturellement vers un aspect plus entrepreneurial du jeu : le staking, les investissements, ce genre de choses.
Globalement, je pense que j’ai investi dans des choses EV+, mais certaines n’ont pas fonctionné et cela m’a coûté une bonne partie de ma bankroll. Alors quand les gens te voient gagner 50 000 $ ou 100 000 $, il y a aussi une réalité différente derrière.
Est-ce que c’est frustrant quand les gens se basent uniquement sur les résultats sur papier ?
Parfois, oui. Par exemple, à Vegas l’année dernière, j’ai fait deux grosses places payées. Mais entre les échanges, les parts vendues et le fait que je me suis planté dans tous les autres tournois, il ne m’est pas resté grand-chose.
Mais les gens pensent juste que tu as gagné 500 000 $. Ça change la manière dont ils te traitent.
De quelle manière ?
C’est un peu bateau à dire, mais les gens pensent toujours que tu es plus riche qu’en réalité.
C’est vrai pour tous les gens que je connais. Ça peut parfois être assez inconfortable.
Tu finis par ne fréquenter que des gens qui sont au courant de toute la situation et avec qui tu peux être totalement ouvert. Eux peuvent comprendre.
Comment arrives-tu à gérer le stress ? C’est un problème pour des gens qui ont bien moins d’enjeux que toi.
Je pense que les sentiments sont les mêmes, l’échelle est simplement différente.
Personnellement, mon plus grand conseil est de ne pas hésiter à parler aux gens qui vous entourent et qui ont vécu des expériences différentes.
Ça permet d’avoir une perspective différente, ça aide énormément.
J’ai des amis tellement intelligents dans différents domaines que lorsque j’ai un problème, je m’adresse directement à celui qui peut m’aider.
Cette stratégie m’a beaucoup aidé à en arriver là.
Est-ce que tu te dis parfois que le monde est un peu fou ? Quand tu repenses à ta vie avant le poker et à tout ce que tu aurais pu faire d’autre.
Je pense qu’il y a eu trois « croisements » dans ma vie où j’aurai pu partir dans d’autres directions.
C’est fou quand on y pense, qu’une simple décision puisse entraîner tout ça.
Est-ce qu’il y a un moment ou une décision qui t’a particulièrement marqué ?
Mes études, déjà. Si j’étais allé à la fac ailleurs, ou si j’avais vécu dans un autre appartement, peut-être que je n’aurais jamais lâché mes études pour me lancer dans le poker.
Je n’ai commencé le poker que parce que je n’avais rien d’autre à faire. Finalement, ça m’a tellement plu que me voilà aujourd’hui.
Tu es devenu le plus grand gagnant allemand. Est-ce que tu en es fier ?
Je viens aussi d’apprendre que je suis premier au GPI, ça me rend très fier.
Je joue dans le monde entier depuis deux ans, sans la moindre pause. Ça peut être assez fatigant. Tous ces vols, tous ces tournois... C’est pour ça que j’ai fait tout ça.
C’est vraiment la reconnaissance qui me touche le plus.
Il y a d’ailleurs quelque chose qui ne s’est pas très bien passé il y a quelques jours. Tu peux nous en dire plus ?
Oui, un gros pari contre Jason Mercier.
Après, c’est exactement comme ça qu’un pari devrait être. Les deux parties pensaient qu’elles étaient EV+. J’ai misé sur une victoire de Stephen Chidwick contre Mercier, et j’ai parié que Mercier ne gagnerait pas de bracelet.
J’ai parié contre lui à 2,7 contre 1 après le début des Series. Il a dû gagner le troisième tournoi qu'il jouait après le pari. Et il en a gagné un deuxième ensuite.
Pas grave. Je lui paierai ce que je lui dois, tout va bien.
C’est donc un pari qui s’est bien passé. Son pari contre Vanessa Selbst se passe un peu moins bien. Que penses-tu du fait de parier contre ses amis, surtout quand on est légèrement sous influence de l’alcool ?
J’aime assez les paris. Je n’aime pas quand les gens parlent beaucoup sans s’y tenir, donc c’est bien de faire des paris.
Mais les gens prennent les paris trop au sérieux. Quand tu mises « contre » quelqu’un, ils pensent que ça veut dire que tu les trouves nuls.
Ça n’a rien à voir. C’est juste que tu penses être meilleur.
Dans ce cas-là, Selbst et lui avaient bu, et ils sont aussi amis. C’est assez flou.
Je ne trouve pas ça si flou que ça.
D’abord, si tu fais un pari avec un ami et que tu te rends compte qu’il est ridicule, ton ami doit te laisser revenir dessus.
Mais si le pari est « signé », alors il faut s’y tenir.
Même en ayant bu ?
C’est juste tellement rare que quelqu’un t’oblige à rester dans un pari ridicule, surtout Jason. Ce n’est vraiment pas son genre, je le sais. Il te laisserait racheter le pari.
Là, les deux parties ont deux lectures totalement différentes de la situation, et ils ont tous les deux très bonne réputation.
Je crois que la leçon à tirer pour Vanessa, c’est de décider de ne plus parier contre Jason. Mais pas d’annuler le pari. Je ne pense que pas que ça serait justifié.
C’est donc important d’être à l’aise avec la personne contre qui on parie, en plus du pari lui-même ?
Oui. Par exemple, j’ai un pari en cours contre Tom Marchese, et il est parfait pour ça.
Il ne le prend pas personnellement. S’il y a un problème, je sais qu’on sera capables de le régler avec quelqu’un à qui on fait tous les deux confiance.
Tout a son importance, mais l’essentiel pour moi c’est de bien connaître la personne, de lui faire confiance, d’avoir un tiers de confiance (ou quel que soit le moyen de garder l’argent) et que les termes du pari soient clairs.
Est-ce que c’est risqué de parier contre ses amis ?
Peu importe contre qui tu paries, il faut qu’ils ne soient pas impliqués émotionnellement.
Je ne parierais jamais contre un ami si l’argent est important. C’est forcément EV-. Et je pense que les gens font ça trop souvent.
Pour changer de sujet, j’ai lu que tu pratiquais la méditation. Dans quelle mesure est-ce que ça t’a aidé, et quelles techniques utilises-tu ?
J’ai commencé la méditation, mais je fais surtout de l’hypnose. Je travaille avec Elliot Roe, un coach bien connu dans le monde du poker.
Ça m’aide énormément. Ça me permet de garder l’esprit clair et d’arriver à me concentrer.
Il est très bon et m’aide aussi à gérer l’aspect personnel. Tout est lié. Quand j’ai des problèmes personnels, mon poker s’en ressent aussi.
Est-ce que tu te vois continuer longtemps dans le poker ?
J’adore le poker, mais je ne compte pas en faire toute ma carrière. Je ne m’épanouis pas totalement dans le poker.
Dans le poker, on est toujours en confrontation contre les autres. J’aimerais trouver quelque chose plus dans le don, qui rend les gens heureux.
Est-ce que ton succès dans le poker te permettra de passer à quelque chose de plus épanouissant plus tard ?
Exactement. Le poker est un tremplin.
C’est fou. Je rencontre énormément de gens. J’ai déjà énormément d’opportunités, je grandis sans cesse.
Je suis vraiment heureux que les choses se passent bien pour moi, j’en suis extrêmement reconnaissant. Mais j’espère trouver quelque chose qui me passionne autant et dans lequel je puisse m’investir.
Quand est-ce qu’on arrêtera de te voir en tournois ?
Je ne pense pas arrêter totalement, mais là je joue beaucoup trop.
Je voudrais passer à 400/500 heures par an, ce qui en ferait plutôt un loisir.
► Plus sur Fedor Holz :